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LE PRINCE ( de MACHIAVELLI) |
a) Dominer la
Fortune. Avec le Prince Machiavel expose les attitudes possibles face à la fortune. Conscient que sa thèse est à l'encontre de l'opinion courante, Machiavel commence par exposer cette dernière en avouant avoir déjà été tenté par elle : tout serait contrôlé par la fortune et par Dieu, l'homme n'ayant qu'à se soumettre aux caprices du Destin. Il tente de corriger cette vision fataliste des choses : la volonté humaine serait capable de maîtriser la moitié des évènements. Il ne faut pas se laisser écraser par la force des choses : nous devons, par la puissance de notre raison et la volonté de notre action, canaliser les forces qui tentent de nous asservir pour les amener à nous servir. En utilisant sa raison pour agir contre la nature, l'homme adopte une attitude active, c'est la prise en main de son destin par la science. La fortune est considérée comme une ennemie à abattre. Il faut agir sans attendre les bons coups de la fortune : il faut penser à tout et ne rien laisser au hasard. Machiavel nous offre une image puissante de la fortune qui montre que l'on peut la dompter : |
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Les hommes sont trop encroûtés dans leurs habitudes pour ajuster leurs comportements en fonction des variations de la fortune :
Il semble donc que se soit la fortune qui ait toujours le dessus. Lorsque que tout semble aller en notre faveur, ce ne serait pas tant en fonction de notre bonne façon de procéder, mais plutôt par- ce que les circonstances se prêtent bien à notre manière d'agir. Dans le Discours sur la première décade de Tite-Live, Machiavel exprime une opinion semblable :
Machiavel refuse le fatalisme et affirme que la fortune est favorable à ceux qui sont audacieux et violents. Sa métaphore sexiste le montre avec force :
Machiavel est cependant plus nuancé dans le Discours sur la première décade de Tite-Live, où il juge comme une vérité incontestable que les hommes ne peuvent que seconder la fortune. Il refuse cependant toujours de baisser les bras. L'espoir que nous puissions soumettre la fortune à notre volonté est, toujours là, à condition de recourir à la ruse et la violence . b) La vérité effective. Machiavel semble nous dire que l'attitude fondamentalement passive des Anciens à l'égard de la nature et des évènements vient d'une confusion entre l'être tel qu'il est et l'être tel qu'il devrait être, entre l'imaginaire et le réel immédiat. C'est le concept de vérité effective : la vérité est dans les faits et non pas dans l'imagination. N'a de valeur que ce qui est utile à l'intérêt personnel de l'individu. Il faut réfléchir sur ce qui est et non pas sur ce qui doit être. Se débarrasser de l'imaginaire illusoire (comme croire que l'ordre du monde est voulu par Dieu) permet alors de prendre les moyens nécessaires pour mater la fortune.
c) Une éthique de la violence et de la ruse. Les hommes sont méchants. Et la méchanceté humaine conduit à la violence. Puisqu'il faut agir en conséquence avec le milieu où l'on se trouve, la méchanceté des hommes fait en sorte que, pour survivre, tous doivent être durs et prêts à lutter. Et dans tous les cas où une force violente doit être utilisée, Machiavel recommande d'agir vigoureusement et rapidement. Il importe surtout d'être toujours méfiant.
Pour survivre parmi les hommes, il est donc nécessaire d'être immoral, cruel, menteur et hypocrite (afin d'avoir l'apparence du contraire de ce que l'on vient d'énumérer). La cruauté doit cependant être utilisée de façon rationnelle afin qu'elle ne nous soit pas finalement nuisible. Au chapitre VIII du Prince, Machiavel recommande en effet :
Les hommes sont en effet tellement attachés aux nécessités présentes qu'ils oublient le mal qu'on leur inflige. Il faut toujours se souvenir qu'il ne faut être cruel que dans une période courte de temps et qu'ensuite il faut dispenser des bienfaits fort parcimonieusement et sur une longue période, dans le but d'endormir les gens. La recommandation de Machiavel sur la nécessité d'une cruauté intense mais brève est très claire :
Machiavel porte en exemple l'un de ses actes les plus crapuleux : |
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Commentons
brièvement ce passage. On voit que César Borgia avait
besoin d'utiliser la cruauté pour mettre de l'ordre dans
sa principauté. Il ne voulait toutefois pas en abuser
afin d'éviter que cela lui nuise. Il fit en sorte de se
donner une apparence d'homme bon en instituant un procès
et en accusant un autre à sa place comme source de
l'oppression du peuple. Et il conçut une spectaculaire
mise en scène : l'exposition du cadavre sanglant de son
ministre fut si impressionnante que les gens du peuple
cessèrent de penser, trouvant que César Borgia est si
sévère qu'il ne faut pas risquer de l'irriter. Notons
également que Machiavel mentionne que César Borgia
" saisit l'occasion ", cela a rapport avec la
conception machiavélienne de la fortune qu'il est
possible de mater pour celui qui agit audacieusement sans
laisser passer sa chance. d) Conclusion : Nous voyons donc que les fondements de la pensée de Machiavel constituent une véritable métaphysique de la cruauté : puisque que la réalité n'est composée que d'entités de puissance en perpétuelle compétition les unes contre les autres pour la survie et qu'il est possible de dominer les circonstances par l'usage de la raison, de l'audace et de la violence, le monde n'est plus que le décor d'une lutte acharnée et sans répit où tous s'entredévorent. Il y a vraiment chez Machiavel une séparation entre l'éthique et la politique : le bien n'est qu'une illusion destinée à tromper les naïfs, ce qui existe vraiment est l'utile, le pouvoir. |